L'origine des Ninja


Le Nin-jutsu est apparu il y a plus de 800 ans chez les Ninja, qui vivaient au Japon. La société japonaise était dominée par une élite guerrière (les samouraïs) qui contrôlait absolument tout, la terre comme les gens. Ils n’avaient de compte à rendre qu’à leur seigneur, le shogun. Le paysan devait obéir en tout à ces guerriers, et le samouraï pouvait le tuer s’il le voulait. Un paysan ne pouvait en aucun cas frapper un samouraï; s’il osait le faire! il risquait sa vie. Les Ninja, qui ne voulaient pas servir les samouraïs, s’enfuirent dans les régions arides, froides et montagneuses de Iga et de Koga. Là, ils s’entraînèrent aux Arts Martiaux. On affirme que leur art s’inspire d’un grand texte militaire chinois, “ L’art de la Guerre ”, écrit par un général nommé Sun Tzu. Au cours des siècles les Ninja, ce mot signifie “ homme furtif ”, s’entraînèrent, toute leur vie durant, à tous les types d’Arts Martiaux.

Ils étaient spécialistes de l’espionnage et de l’assassinat, et menaient à bien leurs tâches en employant tous les moyens imaginables. Mais leur entraînement leur enseignait aussi des valeurs spirituelles, puisqu’ils poussaient leur corps et leur esprit bien au delà des limites normales. D’une certaine façon, ils devinrent des guerriers-paysans.

Ninja

Pour le Ninja, l’entraînement commençait dès qu’il était capable de marcher. Les jeux des enfants étaient conçus pour leur inculquer le combat à mains nues, le maniement du sabre et des armes, le camouflage et les techniques d’évasion. Au bout d’un certain temps, les guerriers ninja furent craints dans le Japon tout entier. Lorsqu’ils savaient qu’un Ninja n’était pas très loin, les puissants samouraïs eux-mêmes n’étaient pas tranquilles. Les Ninja apprenaient à combattre pour leur survie; s’ils échouaient, ils étaient certains de mourir. Au cours des siècles, comme le Nin-jutsu était enseigné dans le plus grand secret, personne, excepté les Ninja eux-mêmes, ne sut rien de leur art.

Mais lorsque le Japon entra dans l’ère moderne et que le système féodal disparut, le Nin-jutsu fut utilisé par les services secrets et les forces spéciales. Et lorsque les Arts Martiaux commencèrent à connaître un franc succès en Occident, au début des années 70, certaines personnes, plus aventureuses, cherchèrent quelque chose de diffèrent.
Parmi elles, deux hommes: un Israélien nommé Doron Navon, et un Américain, Stephen Hayes. Il dénichèrent un Maître de Ninjutsu qui vivait au Japon, et qui appartenait à une lignée d’instructeurs ninja remontant à près de 800 ans. Ces deux hommes étudièrent cet ancien art et le firent connaître au monde entier en moins de dix ans.

Chercher un Instructeur

Le Nin-jutsu est relativement nouveau en Occident. Aussi les instructeurs sont-ils assez rares. Le Nin-jutsu que l’on pratique aujourd’hui dans le monde entier est influencé par Masaaki Hatsumi et ses disciples du Bujinkan dojo, au Japon. En Occident, la société responsable de l’enseignement de ce que l’on appelle les “ traditions guerrières ” s’appelle “ Les ombres d’Iga ”. C’est sous sa responsabilité que sont placés l’entraînement et l’agrément d’instructeurs de Ninjutsu, sous l’autorité directe du maître Japonais.
Lorsque le débutant est parvenu à trouver un groupe ninja (on ne dit pas club, mais groupe), il est interrogé par l’instructeur sur les raisons qui le poussent à vouloir apprendre cet art. Si les réponses qu’il apporte alors semblent satisfaisantes à l’instructeur, le nouvel élève est présenté au reste des ses condisciples, qui constituent ce que l’on appelle une “ famille ”. Le premier objectif de l’entraînement ninja consiste à libérer le pratiquant d’une structure rigide d’entraînement. On part du principe que le fait de suivre un programme limiterait l‘élève et pourrait même l’étouffer dans l’apprentissage de la technique.
Et le but, au delà de la technique, consiste à acquérir une pleine liberté d’expression.
Ce point de vue est pratiquement l’opposé de celui qui est à la base des méthodes d’apprentissage des Arts Martiaux traditionnels. Le Kung-Fu, le Karaté et le Tae-kwon-do reposent sur un fond de techniques de base qui sont les composantes dont chaque élève doit tenir compte pour devenir pratiquant.



Le nin-jutsu est quelque peu diffèrent. Bien qu’on y apprenne des bases des rudiments, de mouvements et de techniques, elles ne servent que de préambules, et ne font pour ainsi dire pas réellement partie de l’art. Le nouvel élève apprend surtout ces fondements pour connaître les Arts Martiaux. Pour un grand nombre de gens, le Nin-jutsu devient, enfin de compte, un vrai mode de vie.
Le nouvel élève commence par apprendre à utiliser son corps le plus avantageusement possible.

Il n’apprend pas seulement à employer certaines parties du corps comme les bras et les jambes, mais son corps tout entier.
Il suit une période de conditionnement physique,
un entraînement du corps à la flexibilité, nommé junan taiso.


LE JUNAN TAISO

Cet entraînement lui enseigne à être souple. Les Ninja comptent essentiellement sur les mouvements naturels de leur corps pour se défendre efficacement. Les exercices qu’ils effectuent ont pour but d’assouplir les muscles, et non de les épuiser par un travail excessif.
Un exercice typique pourrait être celui-ci : l’élève est couché sur le dos, les mains jointes derrière la tète et les jambes étendues. En pliant le corps, il amène son coude droit jusqu’à son genou gauche, sans desserrer les mains. Puis il se recouche sur le dos. Ensuite, il amène son coude gauche jusqu’à son genou droit. L’exercice entier est répété environ 10 fois de suite. Il ne respire qu’une seule fois pendant chaque exercice, en inspirant au moment où le corps est en position allongée. Cet exercice renforce le bas du torse et a taille.
Un exercice destiné à la partie supérieure du torse pourrait commencer ainsi l’élève lève son bras droit au-dessus de son épaule droite, tout a, faisant passer son bras gauche derrière son dos et en l’amenant aussi haut que possible pour toucher la main droite .Puis les mains restent accrochées l’une à l’autre tandis qu’il se penche et qu’il se tourne. Après avoir effectué quelques mouvements, il change de main et répète l’exercice.




LE TAI JUTSU

Le Tai-jutsu, l’art d’utiliser le corps au Nin-jutsu, était l’une des méthodes des guerriers japonais pour combattre à mains nues. Il fut absorbé par le Nin-jutsu, car il était destiné à être efficace dans toutes les situations, en défense comme en attaque. On ne se souciait pas de savoir si l’assaillant était plus lourd ou plus léger, plus petit ou plus grand, plus faible ou plus fort. Pour que le Ninja survive, le système devait fonctionner à chaque fois, et dans tous les cas. Ainsi le Tai-jutsu est-il une méthode générale permettant d’employer les mouvements naturels du corps pour éviter d’être atteint, tout en préparant le défenseur à contre-attaquer.
Il se décompose en plusieurs techniques parmi lesquelles se trouvent la lutte, les projections, les immobilisations et les fractures, les roulades et les chutes, sans compter des coups permettant de détruire les muscles. L’élève s’entraîne à toutes les techniques de cet art afin d’arriver à combattre spontanément pour pouvoir se défendre dans n’importe quelle situation.
Le Nin-jutsu ne comporte pas de positions prédéterminées, pour la simple raison que lors d’une attaque, de telles positions, nécessairement figées, placeraient le défenseur, ne serait-ce que l’espace d’un instant, dans une position précise, arrêtée. Le Nin-jutsu déconseille les attitudes rigides et encourage par ailleurs les jeux de jambes complexes. On enseigne bien quelques positions aux débutants, mais seulement comme des points de départ qu’il devra abandonner par la suite.

Le Tai-jutsu s’appuie sur une connaissance parfaite du corps, susceptible de mener le pratiquant bien au delà de ce qu’il croyait possible. Lors d’une attaque, un pratiquant peut se placer hors de danger en déplaçant simplement ses pieds, ou en transférant le poids de son corps d’un pied sur autre. Et comme il ne reste jamais immobile, il est toujours en mesure de riposter. Depuis que le Nin-jutsu existe les positions prédéterminées n’ont jamais été adoptées. Tous les types d’attaques semblent pouvoir être évités par une modification subtile de la répartition du poids du corps et de la position des pieds, et le défenseur parvient à envelopper l’assaillant sans peine. Comme le dit un vieux proverbe chinois: “ Ecarte-toi d’un pouce, et tu t’éloigneras d’un millier de kilomètres ”.

En d’autres termes, détourner un coup de quelques centimètres revient à le détourner de quelques kilomètres. Les pratiquants du Nin-jutsu dédaignent l’énergie et les mouvements, selon eux excessifs, que déploient les autres Arts Martiaux pour effectuer un blocage ou une esquive.
Au Nin-jutsu, chaque affrontement est unique. Aussi les techniques de contre-attaque ne peuvent-elles pas être préparées à l’avance. Mais comme le débutant a besoin d’un tremplin lui permettant de développer ses propres techniques, les instructeurs enseignent une série de positions de base. Mais ces positions ne sont pas des attitudes; elles ne constituent que des points de départ à partir desquels il est possible d’exécuter aussi bien un mouvement offensif que défensif. Il existe quatre positions principales (la position naturelle sans armes, la position défensive, la position d’attaque et la position de réception), auxquelles s’ajoutent la position de “l’ours” et celle “de la grue”.
Lorsqu’il est attaqué d’un coup de poing au visage, l’élève ninja n’exécute pas un blocage puis une contre-attaque du poing, il place son corps de biais pour échapper au danger et frappe aussitôt la partie intérieure de l’avant-bras de son assaillant. De la sorte, il dévie le coup tout en s’attaquant aux muscles, et rend ainsi ce bras incapable d’attaquer de nouveau.
Le Nin-jutsu enseigne aux élèves à ne pas faire de blocages et à contre-attaquer directement le bras d’attaque de l’adversaire. Cette absence de mouvements défensifs standards face à une attaque est l’une des caractéristiques du nin-jutsu. L’attaque défensive de l’élève ninja est bien plus dangereuse qu’un blocage pour l’assaillant. Car l’attaque soudaine et douloureuse perturbe l’adversaire, et le Ninja profite de cet effet de surprise pour développer sa riposte.
Supposons qu’un assaillant veuille donner un coup de poing au visage. L’élève ninja se penche ou glisse simplement en arrière, en reculant bien la jambe arrière pour supporter le poids du corps et en ramenant aussitôt en arrière la jambe avant. Il se met ainsi hors de danger sans que l’adversaire soit vraiment hors de portée. Le poing de l’adversaire est alors à sa merci et le Ninja par un mouvement de bascule, s’avance et le frappe derrière la main, juste au-dessous du poignet. La jointure de ses doigts atteint les parties charnues de la main de son adversaire ce qui provoque chez ce dernier une douleur d’autant plus vive que son poing est serré. Le poing de l’assaillant est aussitôt inutilisable, et le Ninja a fait peu d’efforts. Les mouvements naturels de son corps ont fait pratiquement tout le travail.
Dés le début de son apprentissage, l‘élève ninja apprend à penser par lui-même. Et une fois qu’il s’est familiarisé avec les mouvements de son corps et qu’il a compris l’importance de réagir naturellement, plutôt que de suivre un enchaînement prédéterminé de réactions et de contre-attaques, il découvre qu’il est capable de se mouvoir bien plus librement. Les mouvements peu conventionnels du Ninja lui permettent de passer naturellement d’une position à l’autre et de modifier ainsi continuellement ses angles d’attaque. Il peut riposter horizontalement ou verticalement en passant au-dessus, au-dessous et même au delà de l’attaque de son adversaire. Le fait de changer constamment d’angle d’attaque lui permet, au moins momentanément, de disparaître de la ligne de vision de son assaillant, et ainsi, de riposter ou de s’échapper de façon efficace.


LES TECHNIQUES DE ROULADES NINJA


Le Nin-jutsu repose sur un grand nombre de techniques. Chacune d’elles a un rôle à jouer pour que l’élève soit en mesure de maîtriser tous les aspects du combat, afin de pouvoir vaincre son adversaire. Contrairement à la plupart des autres Arts Martiaux, le Nin-jutsu laisse la possibilité à l’instructeur d’enseigner son art comme il l’entend. Néanmoins, au début de l’apprentissage, il existe une sorte de tronc commun reposant sur les aspects de base du Nin-jutsu.

Au Jiu-jitsu, un grand nombre de méthodes enseignent à tomber correctement, chacune d’elles permettant au pratiquant de chuter d’une façon particulière. Le Nin-jutsu dispose également d’un vaste choix de techniques de chutes, de roulades et de culbutes, mais elles ont un tout autre objectif. Lorsqu’il effectue une roulade, le Ninja cherche à se fondre au terrain, à parvenir à une sorte d’unité entre son corps et la surface sur laquelle il roule. A l’extérieur, par exemple, il obtient cet effet en abaissant le corps, permettant ainsi aux jambes de diriger le corps dans la direction du mouvement.

Lorsqu’un élève fait une roulade, son corps forme un tout, chacun de ses membres contribuant à l’exécution harmonieuse de la roulade. Pour la roulade de base s’effectuant sur le flanc, par exemple, le corps se penche en direction du mouvement, tête et jambes en avant, les hanches et les jambes venant ensuite, Les techniques de roulades ninja sont efficaces dans les combats rapprochés mais surtout, elles permettent de réduire la masse corporelle, faisant ainsi du pratiquant une cible plus petite.

La roulade est l’une des premières techniques auxquelles s’entraîne un débutant. Au début, il peut craindre de se blesser, mais avec la pratique, cette technique devient chez lui une seconde nature et il est capable de se lancer à tout moment dans une roulade vers l’avant, vers l’arrière, ou sur le flanc. La roulade met également en jeu des aspects psychologiques. Pour qu’un Ninja soit capable d’exécuter ses techniques de roulades sur un sol de béton aussi bien qu’il en est capable sur une surface moins dure, il lui faut être libre de tout problème psychologique. Car dans le cas contraire, s’il est attaqué dans la rue, il perdra quelques instants de concentration en se demandant s’il risque de se blesser en roulant sur le béton. C’est pourquoi l’instructeur enseigne à l’élève comment se mettre en boule ou parfois comment se cambrer pour rouler sur du béton ou du carrelage sans se casser un os et sans se faire mal. Car dans un combat pour la vie, la souffrance peut provoquer un moment de distraction.

Pendant l’apprentissage des techniques de roulades, l’instructeur ne manque pas de faire remarquer qu’une roulade doit convenir à celui qui l’exécute. Elle doit devenir une prolongation de ses mouvements, aisée, naturelle, comme lorsqu’il marche dans la rue. Lorsque cette étape est franchie, il s’agit d’exécuter les roulades le plus vite possible et en faisant le moins de bruit possible. Car, après tout, la discrétion est au coeur même des techniques ninja. Pour s’y entraîner, on peut placer des journaux parterre et demander à l’élève d’exécuter des roulades vers l’avant et vers l’arrière sans les déchirer. Une erreur très répandue que commettent les débutants lorsqu’ils exécutent une roulade vers l’avant consiste à cogner l’arrière des talons sur le sol, ce qui fait du bruit et peut se révéler assez douloureux.

Lorsqu’une roulade est correctement exécutée, le corps ne doit pas glisser sur le sol. Le Ninja doit imaginer qu’il est une balle qui roule sur le sol. Lorsque sa roulade est achevée, il doit se retrouver dans une position de combat, un kamae. À mesure qu’il parfait ses techniques de roulade, l’élève comprend qu’elles ne fournissent pas simplement le moyen d’échapper à une projection, à une immobilisation ou à un coup, mais qu’elles sont aussi une méthode de progression au sol pouvant servir à l’attaque. Le Ninja doit pouvoir disposer de tout un ensemble de techniques de combat, et il doit se sentir aussi à l’aise couché à terre que sur ses deux jambes.

Grâce à sa capacité à se battre au sol, un Ninja ne peut pas être envoyé à terre par un pratiquant d’un Art Martial tel que le Judo, l’Aïkido ou la lutte. Comme il est capable d’attaquer à partir d’une position au sol, il rend presque inefficaces la plupart des techniques de ce type d’adversaire. Lorsqu’il se bat au sol le Ninja sacrifie évidemment une partie de sa mobilité, mais il a l’avantage, lorsqu’il se défend, de pouvoir tacler un adversaire plus grand et plus fort que lui. Lorsqu’il modifie les régles du jeu en se laissant chuter, un Ninja de soixante kilos peut vaincre un adversaire de quatre-vingt-dix kilos. Un tel adversaire est obligé de faire un effort pour attaquer vers le bas et finit généralement par recourir à une technique insensée, imprudente, qui engage toute son énergie. Le Ninja est alors en mesure de dévier l’attaque puis d’appliquer sa propre contre-attaque : un coup de pied poussé parti du sol, ou un balayage destiné à déséquilibrer son adversaire. Pour le Ninja. chaque combat est unique. C’est pourquoi il ne perd pas de temps à apprendre des enchaînements prédéterminés. Les clubs d’Arts Martiaux organisent trop souvent de faux combats, qui servent peu aux combats réels. Capable d’évaluer une situation aussitôt qu’elle se présente, l’expert ninja sait instantanément s’il doit se placer en position d’attaque ou de défense ; et si son premier mouvement n’est pas le bon, il peut tout de suite adopter une nouvelle position défensive ou offensive, sans perdre du terrain ni céder l’avantage à son adversaire, grâce à une suite de mouvements corporels tournants.

Le combat au sol des Ninja est un art à part entière, très complet, et existe indépendamment des arts plus connus que sont le Jiu-jitsu et le Judo, Bien qu’à proprement parler le travail au sol soit essentiellement un système de défense, il est suffisamment souple pour permettre à l’expert ninja de reprendre l’avantage même face à un adversaire plus grand et plus lourd. Par ailleurs, l’effet de surprise qu’il provoque peut avoir pour effet de démoraliser complètement l’agresseur. Ce sont ces techniques qui conduisent certains artistes martiaux à appeler, à tort, le Nin-jutsu : “ l’art des coups tordus”. Le Ninja, quant à lui, l’appelle, plus affectueusement l’art de vaincre.

TACTIQUES DE COMBAT NINJA ET UTILISATION DES ARMES


La peur de l’obscurité est innée chez l’homme, c’est la peur de l’inconnu, de ce qui de ce qui ne peut être vu. Mais le Ninja a toujours considéré l’obscurité comme une alliée. Elle est devenue le manteau lui permettant d’être invisible, le voile grâce auquel il peut accomplir ses agissements furtifs. En développant leurs sens dès leur plus jeune âge pour surmonter la peur de l’obscurité, les Ninja finissaient par avoir confiance en leur capacité à vaincre même ce qu’ils ne connaissaient pas. Alors le Ninja pouvait circuler, protégé par l’obscurité pour exercer son métier de mort.

Dans l’apprentissage ninja moderne, on enseigne l’entraînement nocturne aux débutants en leur demandant d’accomplir toutes les techniques qu’ils pratiquent ordinairement le jour. Le but est de les priver de la vue pour leur permettre de développer leurs autres sens. Le fait d’écouter les bruits, de déceler les mouvements du corps et d’utiliser le toucher permettra au Ninja de prendre mieux conscience de son environnement quotidien. Qu’il soit attaqué de jour comme de nuit, il risque moins d’être pris par surprise. Comme il est difficile de s’entraîner constamment la nuit, les élèves ninja s’entraînent généralement les yeux bandés.

Une fois de plus, contrairement à la plupart des Arts Martiaux, le Nin-jutsu enseigne très tôt l‘emploi des armes. L’entraînement prépare l’élève à se familiariser avec plusieurs types d’armes différents plutôt qu’il ne lui enseigne des techniques prédéterminées. De la sorte, il n’est pas limité à une ou deux armes et peut, au contraire choisir n ‘importe quel objet pouvant lui servir d’arme et l’utiliser efficacement. Les objets les plus courants qui peuvent servir d’arme sont les outils de jardin. C’est cette capacité à transformer en armes des objets quotidiens qui donne à l’élève ninja sa supériorité au combat.

Dans un combat au sabre, pour riposter à un coup, l’élève part de la position de défense. Au moment où l’assaillant se précipite en avant et que son sabre avance vers sa cible, le défenseur peut glisser sur la gauche ou sur la droite pour éviter le coup tout en plaçant le côté tranchant de son propre sabre du côté de l’assaillant. Celui-ci, après avoir manqué sa cible, se coupera au poignet ou au bras sur le sabre du défenseur. Il suffit pour cela que le défenseur ninja adopte cette position, sans rien faire d’autre, et sans gaspiller d’énergie: la vitesse de l’assaillant le conduit automatiquement sur son sabre. Traditionnellement, le Ninja s’entraînait avec un bâton mesurant environ 90 centimètres appelé hanbo. En japonais, han signifie “moitié”, et le bo était un bâton de deux mètres. Dans l’entraînement ninja moderne, le hanbo est toujours utilisé. On commence par apprendre à saisir le bâton correctement, afin qu’il devienne une extension du bras lorsque le poignet est en position naturelle. La saisie en paume, diagonale, est la façon principale de tenir les armes lorsqu’on les emploie à des fins défensives.

Elle permet une liberté totale de mouvement sans qu’il soit nécessaire d’apprendre des gestes particuliers. Il est possible de frapper assez facilement dans neuf directions, en se fendant ou en frappant à l’horizontale, à la verticale ou en diagonale. En employant un jeu de jambes efficace lors d’une attaque avec le hanho, c’est toute la masse du corps en mouvement, et non pas seulement le bras, qui conduit l’arme jusqu’à sa cible.

On organise des combats d’entraînement au cours desquels deux élèves s’attaquent à tour de rôle avec le hanbo. L’un est assaillant tandis que l’autre est défenseur. Au début, bien que certains aspects réalistes soient introduits, cet entraînement se contente de simuler l’attaque et la défense, car le fait de voir une chose un grand nombre de fois finit par la rendre moins impressionnante et fait qu’on s’y habitue.

Très vite, les élèves ninja apprennent le maniement du sabre et des armes blanches. L’art du sabre ninja est appelé ken-po. Il enseigne des techniques pratiques de maniement du sabre, ainsi que l’emploi de poignards divers. L’entraînement classique consiste à enseigner des techniques permettant de dégainer rapidement, de façon à pouvoir tirer le poignard ou le sabre et porter un coup en un seul geste. On apprend aussi des techniques d’escrime et de lancer, afin que les pratiquants soient en mesure d’utiliser leur arme en corps à corps ou à distance, pour atteindre une cible éloignée. Bien que le sabre japonais à deux mains soit utilisé lors de certains entraînements, les élèves de Nin-jutsu, de nos jours, peuvent employer toutes sortes d’armes blanches, qu’il s’agisse d’un couteau de chasse ou d’un couteau de cuisine.

Autre arme faisant partie de la formation ninja les célèbres shuriken, ou étoiles de jet. La télévision et le cinéma ont fait de ces étoiles le symbole ninja, mais il existe en fait des shuriken de toutes formes et de toutes tailles. Il s’agit parfois d’une courte tige de métal, ou encore d’un disque à pointes tranchantes. L’une des formes les plus anciennes était celle de la svastika renversée — un ancien symbole sanskrit signifiant “ de bon augure ”.

Ces armes de jet tranchantes étaient généralement rassemblées au nombre de sept dans une poche secrète de l’uniforme noir du Ninja. Les shuriken ne sont pas très précis à grande distance. Autrefois, on les enduisait d’un poison à action rapide. Lorsqu’un agent ninja était découvert à l’intérieur d’un château, il pouvait fuir en lançant un ou plusieurs shuriken sur ses poursuivants. L’ennemi ne mourait pas sur le coup, mais le poison qui avait pénétré dans la blessure ne lui laissait aucune chance.

De nos jours, on considère ces armes comme étant archaïques, mais les élèves ninja doivent néanmoins savoir les utiliser, car le fait de s’entraîner avec des armes anciennes permet à l’élève d’improviser des armes défensives à partir d’objets courants. Pour lui, aucune arme n’est dépassée, car tout objet peut être utilisé comme arme.

L’apprentissage du Nin-jutsu comporte huit méthodes de combat:

(1) le Tai-jutsu, méthode de combat à main nue;
(2) le Hicho-jutsu, techniques pour le saut et l’escalade;
(3) le Bojutsu, méthode de combat au bâton;
(4) le Ken-jutsu, technique du combat au sabre;
(5) le Kusari-jutsu, technique de combat avec des chaînes et des cordes;
(6) le Goton-po, l’usage des éléments naturels;
(7) l’Omshin-jutsu, l’art de se déguiser et de se rendre Invisible ;
(8) le Heiho, les tactiques militaires.

Mais quelle que soit la branche pratiquée, les principes restent les mêmes: un bon jeu de jambes, de la puissance et de la vitesse sont nécessaires pour travailler les coups de pied, le combat au bâton ou à l’arme blanche. Le style de combat ninja est un enchaînement de mouvements simples, coulants, et non un système de techniques complexes. Lorsque l‘élève a assimilé l’essentiel des mouvements de combat, il lui faut rechercher la façon de les appliquer au mieux. Un élève ayant atteint un niveau supérieur se livre à la méditation pour avoir l‘esprit plus clair et pour apprendre à se détendre complètement. Cet état d’esprit réceptif lui permet, lors d’un combat, de faire des observations pertinentes et de n’appliquer que la seule méthode offensive de combat par blocages, caractéristique du système de combat ninja.

Comme moyen de développement pratique, l’élève ninja doit se livrer à la méditation pendant le combat ou l’entraînement. Le Nin-jutsu repose sur la simplicité. Plus un style de combat est complexe, plus il est difficile à maîtriser.
Le système de combat ninja a été mis au point par des guerriers; et jusqu’à aujourd’hui, il s’applique à coller à la réalité. Dans des situations de défense véritables, l’élève peut compter sur la précision et l’efficacité des techniques apprises pour se tirer d’affaire. Au Nin-jutsu, toutes les techniques, quoique simples, sont extrêmement efficaces.

Dans presque tous les Arts Martiaux, on encourage les élèves à développer une forme de conscience spirituelle. Dans l’art ninja, le développement des cinq sens est raffiné au point d’en être presque mystique. Dès le premier jour, l’élève ninja cherche à être en harmonie avec son environnement. La philosophie ninja enseigne que cette sensibilité vient d’une connaissance mystique de l’univers, un peu comme ce qu’enseignaient, il y a des siècles, les Yamabushi, moines-ermites des montagnes, et qui fut par la suite affiné pour être utilisé au combat. Rien d’exceptionnel, pourtant, dans cet enseignement il s’appuie sur l’idée qu’en observant la nature avec un esprit ouvert et curieux, l’homme peut parvenir à mieux saisir son rapport au monde et, ainsi, à se comprendre lui-même.


Toshitsugu Takamatsu
professeur de
Masaaki Hatsumi
pendant plus
de quinze années.

Le Kuji-Kiri, ou l’art de croiser les doigts, fait partie de cet entraînement ninja de l’esprit. Le pratiquant tient ses mains jointes face à lui et entrelace ses doigts de façon complexe. Cela est supposé canaliser son énergie mentale en vue d’une tâche à accomplir ou d’une difficulté à surmonter. En croisant les doigts de la sorte, l’élève ninja se place dans un certain état d’esprit. Il existe cinq états d’esprit, ou attitudes, au Nin-jutsu, qui correspondent à la terre, à l’eau, au feu, au vent et au vide. Chaque état d’esprit sert de fondement à une série de techniques particulières.

Dans l’attitude de la terre: L’élève tient bon et reçoit l’assaut de l’assaillant de façon à ce qu’il ne l’atteigne pas, parce qu’il se sait sûr de vaincre. Son adversaire a l’impression de se battre contre un rocher, insensible à tout ce qu’il entreprend.
Dans l’attitude de l’eau: L’élève change de place, va et vient, et utilise les distances et les mouvements inattendus pour vaincre son adversaire.

Il cherche à l’emporter sur lui grâce à sa souplesse, et son ennemi a l’impression de se battre contre les vagues de l’océan, qui s’éloignent lorsqu’il avance puis qui se jettent sur lui.
L’attitude du feu: Pousse l’élève à poursuivre son assaillant avec acharnement. Plus il se défend, plus le Ninja frappe durement. Il se jure de blesser son adversaire en proportion de la force qu’il déploie contre lui plus l’adversaire combat durement, plus il succombe face aux ripostes énergiques du Ninja. C’est un peu comme si cet adversaire luttait contre un feu de forêt plus il s’efforce de l’étouffer, plus le feu l’enserre.
Dans l’attitude du vent: Un élève se bat en ne faisant usage que de mouvements défensifs il se protège sans infliger de blessures excessives à l’assaillant. L’élève déploie juste suffisamment de force pour décourager son adversaire, qui a l’impression de mener une bataille perdue d’avance contre le vent.
L’attitude du vide: Donne au Ninja une sensation de vacuité. Ses capacités créatrices deviennent des mots et des actes qui engendrent une ambiance où il n’est plus besoin de se battre.

Grâce aux enseignements de ce côté quelque peu mystique de son art, l’élève finit par comprendre que les attaques ou les affrontements ne sont, bien souvent, pas le fruit du hasard. ils sont la conséquence de situations fâcheuses où il s’est placé lui-même. La façon dont il réagit dans certaines circonstances, la façon dont il pense, peuvent être sources de conflits. Et ainsi, il apprend à contrôler autant que possible les événements qui l’entourent afin d’éviter les affrontements.

Le Nin-jutsu enseigne que l’entraînement doit être agréable et qu’il doit se dérouler dans une ambiance détendue. Il convient d’éviter le sérieux d’un dojo de Karaté ; on travaille les techniques de façon joyeuse, quoique réfléchie. Selon la philosophie ninja, l’entraînement ne doit pas être rébarbatif ni pénible pour être efficace. Si l’esprit et le corps de l’élève sont détendus, naturels, et qu’ils sont habitués à réagir spontanément face à des situations d’entraînement variées, alors l’élève sera moins enclin à se raidir, à se fâcher, à s’effrayer ou à perdre le contrôle si une situation réelle de danger survient.
Etre naturel et en accord avec soi-même:
Tel est le secret. Quel que soit le problème rencontré (agression physique, crise affective, affrontement intellectuel), l’élève ninja cherche à l’affronter calmement. L’art du Ninjutsu consiste à vivre la vie de la façon dont on veut la vivre.

L’élève ninja doit apprendre également des techniques spéciales lui permettant de se déplacer furtivement et sans être vu, Il existe pour cela dix techniques, ou dix styles, qui ont été élaborées au cours des siècles. Les voici:

(1) Nuki-ashi, le pas furtif;
(2) Suri-ashi, le pas frotté;
(3) Shime-ashi, le pas serré ;
(4) Tobi-ashi, le pas volant;
(5) kata ashi, le pas unique;
(6) O-ashi, le grand pas;
(7) Ko-ashi, le petit pas;
(8) Talaizami-ashi, le tout petit pas;
(9) Wari-ashi, le pas approprié;
(10) Tsune-ashi, le pas normal.

Autre mouvement furtif couramment utilisé autrefois parles Ninja la marche latérale (yoko-aruki). En se déplaçant latéralement en croisant les pieds, le Ninja désorientait ses ennemis. Pour apprendre à marcher prudemment et en silence, on demandait aux jeunes Ninja de marcher dans une pièce d’eau peu profonde sans faire d’éclaboussures ni de clapotis. De nos jours, cette technique est encore enseignée dans certaines écoles, mais on emploie du papier de riz mouillé à la place de l’eau. Le papier est placé sur le sol et les élèves doivent marcher dessus en évitant que la plante de leurs pieds n’y adhère ou ne le soulève.

De nos jours, une grande partie des méthodes ninja s’enseignent à l’air libre, et les élèves sont entraînés à des techniques de camouflage et de survie, aussi bien qu’aux Arts Martiaux et au combat à mains nues. Mais les techniques de combat de nuit ne sont pas oubliées. Les élèves sont répartis en groupes, dans les bois ou les montagnes, et on leur enseigne à retrouver, de nuit, le chemin menant au camp de base sans s’aider de cartes, en ne s’orientant qu’au moyen des étoiles.
L’instructeur forme deux groupes. Le premier s’enfonce dans les bois; Après un certain temps, le deuxième groupe part à sa recherche. Le but de ce jeu amical est des plus sérieux. L’instructeur observe attentivement le comportement de ses élèves, leurs réactions et leur façon de gérer le stress, et peut ainsi déterminer s’ils ont bien assimilé les techniques enseignées. Les élèves pourchassés doivent se camoufler et se fondre dans leur environnement. Cette capacité du Ninja à disparaître dans le milieu naturel, ainsi que sa façon ingénieuse de profiter des conditions climatiques et des phénomènes naturels ont sans doute été à l’origine de la vieille légende selon laquelle le Ninja était capable de disparaître à volonté.

Comme le Nin-jutsu est un art complet, les élèves doivent pouvoir faire face, à tout moment, à toutes sortes de situations de combat. Un homme qui ne serait entraîné qu’à frapper rencontrerait de sérieuses difficultés dans des situations où sa technique se révélerait inefficace. On ne peut vraiment se protéger soi-même que si l’on met en oeuvre toutes les techniques corporelles, et il est contraignant, voire dangereux, de se limiter à certaines techniques. D’où l’importance au Nin-jutsu de l’entraînement à l’extérieur. Cet entraînement se pratique en toutes saisons, et il n’est pas rare de trouver des groupes ninja s’entraînant dans la neige et la glace.


Muto Dori Ryote

Au Nin-jutsu, les femmes sont moins présentes que dans d’autres Arts Martiaux. Pourtant, du point de vue historique, la femme ninja, appelée kunoichi, a joué un rôle important dans les premiers temps du Nin-jutsu. Comme le Nin-jutsu va bien plus loin que la plupart des Arts Martiaux, et devient en fait un véritable style de vie, la plupart des femmes occidentales jugent son apprentissage trop contraignant. Tout comme leurs condisciples masculins, les kunoichi sont entraînées à toutes les techniques du guerrier ninja. Traditionnellement, leur travail consistait à recueillir des renseignements, car il leur était facile de pénétrer dans une maison sous l’aspect d’une servante.

Comme l’art du Nin-jutsu est différent de tous les autres Arts Martiaux, il ne dispose pas de structure standard permettant l’évaluation des connaissances et la notation. Aucun terme n’est fixé pour atteindre un grade dan (ceinture noire). Tout dépend de la compréhension de l’élève, de son état d’esprit et de sa maîtrise des techniques ninja. Ce n’est que lorsque le corps et l’esprit sont en harmonie qu’il lui est remis une ceinture de couleur reconnaissant ses compétences.

L’art du Nin-jutsu a pour but de vaincre, de survivre, d’avoir le dessus, à tout prix. L’élève ne peut y parvenir qu’à travers un entraînement rigoureux, aussi bien pendant les cours que dans sa propre vie. Car le Nin-jutsu ne fait pas de distinction entre les deux, et c’est ce qui fait que le Ninja va plus loin que les autres artistes martiaux.
Au delà même des prouesses physiques, le Nin-jutsu inculque un sens de l’imagination, une discipline personnelle, une faculté d’anticipation et un sens de l’invention qui permettent au Ninja de devenir presque invincible.

Peter King : Bujinkan Angleterre