LA CAPOEIRA

Un Peu d’Histoire...

A Partir du XVI siècle, les colonisateurs européens du Nouveau Monde commencèrent la déportation des esclaves d’Afrique. Les Portugais pratiquèrent la traite principalement en Angola, en Guinée et vers la côte sous le Vent, appelée aussi “ côte des Esclaves ”, de l’embouchure de la Volta à celle du Niger. Aujourd’hui encore au Brésil, on se souvient des noms des ces peuples Bantu, Gêgê, Nagô.

Les négriers blancs pratiquaient la traite comme une banale activité commerciale mais les « Nègres » n’ont jamais acceptés la captivité et d’être ainsi vendus et achetés comme de simples marchandises. A toutes les époques, ils ont cherché à reconquérir leur liberté. Cependant, ils ne pouvaient obtenir aucune des armes de l’époque, ils ont donc, à partir de leurs traditions, développé un art de défense qui utilise uniquement les ressources du corps.

Les mains attachées,
ils utilisaient seulement les pieds;
S’ils devaient se cacher dans les herbes,
ils luttaient au ras du sol!
Pour ne pas montrer leurs intentions de combat
lorsqu’ils s’entraînaient, ils pratiquaient les
mouvements sous l’apparence d’une danse.

Cette dissimulation leur serait bien sûr utile au
moment de lutter pour vaincre par surprise
et leur évitait aussi de se blesser inutilement.




Les maîtres et les surveillants, à les voir, n’imaginaient pas le danger que représentait cette danse et qu’elle cachait toute la révolte et le désespoir des esclaves. La Capoeira est donc née ainsi: en tapant des mains, en chantant des chansons aux paroles allusives, en dansant. Elle maintenait avec la perspective de la fuite, de la révolte et de la liberté, la dignité des « Nègres » du Brésil.

Les opinions divergent sur l’histoire et les origines de la Capoeira, aussi bien sur les racines de la population noire du Brésil. Deux ans après l’abolition de l’esclavage en 1888, la plupart des documents furent brûlés par le ministre Ruy Barbosa, qui croyait ainsi, pouvoir effacer “ une tâche noire dans l’histoire du pays ”.

Les sources d’une étude sur les origines des anciens esclaves et même sur le nombre exact d’Africains amenés au Brésil sont donc perdues. Néanmoins, on estime généralement que les premiers, et surtout les plus nombreux africains arrivés au Brésil, furent ceux des régions proches de l’Angola.


Africains emprisonnés sur un navire négrier, à fond de cale,
en partance pour le Brésil où ils seront vendus à des propriétaires terriens...


La Capoeira est aussi connue sous le nom de “Brincadeira de Angola” (amusement d’Angola).
De nombreux chants parlent de Luanda ou de Benguela, des paroles en Bunda (langue d’Angola) y sont intercalées, certains pensent donc que la Capoeira est arrivée du Brésil avec les Africains et a été développée par leurs descendants. D’autres historiens soutiennent que la Capoeira fut inventée par les Africains certes, mais au Brésil, en précisant qu’ils n’ont rencontré en Angola aucune lutte semblable.
Une recherche approfondie reste à faire quant à ses origines dans les danses ancestrales africaines comme par exemple la danse du N’golo, les danses d’initiation ou autres. Quoi qu’il en soit, il n’existe pas de preuves suffisantes pour affirmer qu’elle fut inventée plus précisément par les “Angolais”.

Le mot Capoeira a plusieurs sens: la basse-cour où on élève la volaille; un oiseau dont la danse nuptiale aurait inspiré certains mouvements du jeu; un champ après le brûlis, avant la nouvelle culture; le sport national composé de défenses et attaques... et beaucoup de définitions pourraient agrandir cette liste.

Dans tous les cas, au début du siècle, le mot Capoeira désigne un délit, passible de prison ou de déportation. Les Maltas (bandes) de Capoeiristes ont joué un rôle dans la défense de l’empire du Brésil finissant, par loyauté envers la princesse Isabel qui avait signé le décret d’abolition de l’esclavage. Tandis que les nouvelles autorités de la République la considéraient comme un fléau social et la pourchassaient.


Capoeiristes du début du siècle se battant dans la rue (1906)


Les hommes politiques de l’époque n’hésitaient pas à utiliser les Capoeiristes dans leurs campagnes électorales. Il faut aussi souligner que les autres manifestions de l’identité Afro-Brésilienne
(Camdomblé, Samba, Afoxé...) étaient aussi interdites à l’époque.

Pourtant, dans les cours de ferme, sur les plages éloignées, au coin des rues, sur les quais, avec précaution pour éviter la police
(qu’ils n’hésitaient pas à affronter en cas de nécessité), les Capoeiristes pratiquaient leur art et le transmettaient aux nouvelles générations, ainsi que d’autres formes de leur culture,
comme le Samba-Duro ou le Batuque ( lutte ) aujourd’hui intégrés à la Capoeira.






Après la période des révolutions des années 1930, le gouvernement de Getùlio Vargas
chercha un appui auprès du peuple.
Un esprit plus ouvert à l’égard des traditions populaires régnant parmi les dirigeants du pays. Un maître de Capoeira, Manuel dos Reis Machado, “ Mestre Bimba ”, demanda et obtint l’autorisation d’ouvrir à Salvador la première Académie de Capoeira sur le nom de
Association de Lutte Régionale de Bahia ”.
Mestre Bimba créa là un style particulier, intégrant dans un but d’efficacité combattante, quelques coups issus du Batuque ( lutte ) et d’autres divertissements populaires Brésiliens, ainsi que des mouvements issus d’arts martiaux étrangers (jiu-jitsu, judo, savate), en abandonnant une partie de l’héritage traditionnel qui selon lui convenait à des esclaves mais non à des hommes libres.

Le style issu de l’enseignement de Mestre Bimba est plus connu aujourd’hui,
sous le nom de “ Capoeira Regional ”.

Peu de temps après, Vicente Ferreira Pastinha, “ Mestre Pastinha ”, ouvrit son Académie, utilisant ouvertement le mot Capoeira, revendiquant une Capoeira “pour l’homme, l’enfant et la femme”, cherchant à maintenir les valeurs de dissimulation et de ruse de la tradition, plus que l’objectif incertain de la domination pugilistique, accessible uniquement aux athlètes les plus entraînés. Mestre Pastinha développa avec des disciples le style Capoeira Angola, qui attache, outre les valeurs déjà citées,
une grande importance au “jeu du sol” (opposé au “jeu debout”).


Mestre Bimba
( élève de Bentinho )


Mestre Pastinha
( élève de l’Angolais Benedito )


Les différences entre ces deux visions, amplifiées par la rivalité entre les écoles,
ne doit pas nous cacher la cohérence profonde de la Capoeira, spécialement au niveau les plus avancés de la connaissance.
La Ginga (son mouvement de base), l’essentiel de ses rituels et de sa courtoisie, les instruments de musique, les chants, le danger potentiel dans la ronde, un grand nombre de techniques se retrouvent en commun dans les deux styles.

Aujourd’hui comme toujours, les Capoeiristes enrichissent leur art par les mouvements qu’ils créent dans le jeu, reculant chaque jour les limites de leurs corps et de leur imagination. Certains cherchent une forme plus esthétique dans un souci artistique et d’autres, l’efficacité martiale.

Cependant, le mouvement de reconnaissance de la Capoeira comme partie intégrante de la culture brésilienne se poursuit, notamment grâce à l’influence d’artistes internationalement reconnus comme l’écrivain Jorge Amado, le peintre Caribé, les musiciens Baden Powell, Caetano Veloso, Gilberto Gil.



Dessins de Caribé ( artiste et grand promoteur de la Capoeira )


En conséquence, les maîtres et enseignants s’organisent et se structurent et l’enseignement se développe dans les écoles.

Les premières fédérations de Capoeira, celles de l’Etat de Sâo Paulo, de Parana et de Rio de Janeiro furent intégrées à “Confédération Brésilienne de Pugilisme”.
Le développement des Fédérations a permis la création en 1993 d’une organisation propre à la Capoeira : la “ Confédération Brésilienne de Capoeira ”.
Cette fédération peut se préoccuper librement de la musique et des règles traditionnelles, qui étaient négligées dans le cadre d’une Confédération de sports de combat.


Ce texte fut extrait de l’introduction
du disque “Sensala de Santos, Vol. I



LA CAPOEIRA EN FRANCE


Pays latin où les pratiques conviviales sont malgré tout en voie de disparition, la France est depuis longtemps sensible aux cultures sud-américaines. Notamment à la culture brésilienne dans laquelle elle trouve une joie de vivre, une convivialité particulières.



POURQUOI PRATIQUER LA CAPOEIRA ?


La Capoeira aide à découvrir un autre fonctionnement du corps, développe les facultés d’adaptation et enseigne une philosophie de la vie. Ce qui lui a fait mériter l’appellation d’art martial.

Au Brésil, elle permet par bien des aspects à ses adeptes de supporter la vie dans un pays au climat économique et social dur.

Ses vertus éducatives, déjà présentes dans les Académies dirigées par des Maîtres, sont aujourd’hui adoptées par l’école. Les enfants, y compris les plus “durs”, peuvent acquérir à travers sa pratique des valeurs morales essentielles, telles que la conscience de soi
(sa propre valeur, ses limites et ses potentialités), le respect d’autrui, l’appartenance au groupe...

N’avons nous pas, ici aussi, un besoin urgent de retrouver ces valeurs ?

Il est à cet égard particulièrement réjouissant de voir l’intérêt que commencent à porter à la Capoeira les jeunes des banlieues défavorisées Françaises.
Elle vient prendre une juste place au côté de diverses formes culturelles et pratiques sportives
où ces jeunes rencontrent des valeurs collectives positives et une estime d’eux mêmes que notre société leur refuse.